jeudi 10 avril 2008

Hippopotame Vs. Eléphant : Le clash des titans.

Comme vous avez pu le constater, l'hippopotame a gagné le sondage controversé, avec 64 % des voix. Au-delà de toute considération concernant une hypothétique tricherie ou le nombre de votants, tâchons, si vous le voulez bien d'examiner la question de la manière la plus rigoureuse qui soit, en axant la comparaison sur l'éléphant d'Afrique, qui est évidemment le seul susceptible de croiser un hippopotame un jour. Procédons par ordre.


1. L'allonge


Ce n'est un secret pour personne, l'éléphant d'Afrique (Loxodonta sp.) est le plus grand animal terrestre. On rapporte des cas de mâle adulte mesurant plus de 3,50m au garrot, pour un poids excédant 5,5 tonnes. De plus, il est avantagé par ses défenses, dont la longueur peut atteindre 2m40 chez les mâles âgés, et par sa trompe, dont la longueur dépasse souvent 1,5m.

L'hippopotame (Hippopotamus amphibius) arrive troisième au classement, derrière l'éléphant et le rhinocéros. Un bel hippo mâle, ça tape dans les 3,5m de long, pour 1,5m au garrot, et pas loin de 3 tonnes. Pas de quoi rougir, certes, mais pas de quoi non plus rivaliser avec l'éléphant. 1-0 pour Dumbo, donc.


2. La vitesse

Aussi étonnant que cela puisse paraitre au vu de sa morphologie, l'hippopotame est extrêmement rapide : il peut atteindre des vitesses de l'ordre de 50 km/h au sprint ! Autrement dit, même pas la peine pour les ringards d'humains que nous sommes d'espérer distancer un hippopotame pas content.

L'éléphant est apparemment incapable d'atteindre des vitesses pareilles, plafonnant autour de 30 km/h. Par contre, il est capable de courir sur de longues distances. Néanmoins, vous conviendrez aisément qu'une hypothétique confrontation hippopotame/éléphant serait un combat d'une violence inouïe, mais d'une durée très courte. N'en déplaise à certains, sur de courtes distance et périodes, l'hippopotame tient la dragée haute à l'éléphant. Un partout...


3. La morphologie

Point délicat, car elle diffère fortement entre les deux animaux. L'éléphant est (comparativement) plutôt haut sur pattes, ce qui est un avantage niveau allonge, mais un inconvénient du point de vue de la stabilité, et le rend assez vulnérable à un choc latéral, par exemple. Il a une peau très épaisse et relativement peu de graisse, donc un bouclier naturel et une relative liberté de mouvement. L'essentiel de sa masse musculaire est située au niveau du cou et de la tête, tête où réside par ailleurs l'atout majeur de l'éléphant : sa trompe. Celle-ci peut en effet être redoutable, même si la croyance selon laquelle "l'éléphant peut concentrer toute sa force dans sa trompe" est à ranger dans la case des légendes urbaines puériles. Toutefois, elle est quand même susceptible de donner de solides beignes, sans parler des dégâts potentiels occasionnés par les défenses qui l'entourent.

L'hippotame est très court sur pattes, ce qui lui confère un avantage niveau stabilité. De plus, il a lui aussi une peau très épaisse, accompagnée d'une bonne couche de graisse protectrice sous-cutanée. De plus, son crâne est conçu de manière nettement plus robuste que celui de l'éléphant, et ses vertèbres cervicales sont bien plus costaudes. En clair, l'hippopotame est un "bélier" (je parle bien de l'instrument servant à défoncer des portes) naturel, entièrement cuirassé et impossible à renverser. J'en profite ici pour faire remarquer aux gens qui pensent que l'hippo n'est qu'un "gros tas de graisse" que sous le gras peuvent se loger énormément de muscles, bien planqués certes, mais tout à fait dévastateurs. J'invite ceux qui n'en sont pas convaincus à prendre rendez-vous avec moi, et je les rouerai de coups pour leur faire voir un peu, à ces sales maigres, si c'est que du gras, non mais ho. Brefle, parenthèse fermée.
Il est évident que solidité et la robustesse de l'hippo se paient en termes de mobilité, considérablement inférieure à celle de l'éléphant. Il convient toutefois de constater que les pattes de l'hippopotame ne sont pas, comme celles de l'éléphant, exactement situées sous son corps (dans un plan "sagittal"). Elles sont situées dans un plan un peu plus latéral (dit "parasagittal" par les biologistes), un peu (toutes proportions gardées) comme celles d'un crocodile. Cette adaptation particulière, qui lui permet de nager de manière plus efficace, occasionne une grande mobilité des pattes. Donc, l'hippopotame, contrairement à l'éléphant (et à la quasi-totalité des mammifères quadrupèdes, par ailleurs), est capable de flanquer des coups de latte latéraux à son adversaire. Non négligeable.
Reste les défenses. Si il ne peut se targuer d'appendices semblables à celui de l'éléphant, l'hippopotame a des canines extrêment développées, qui, combinées aux capacités d'ouverture de la bouche phénoménales dont il est capable, sont susceptibles de broyer et déchiqueter des objets de grande taille, et peuvent faire pas mal de dégats.

Au final, des avantages et des inconvénients différents dans les deux camps. Difficile de trancher, et je propose donc un match nul : 2 partout.


4. Le tempérament

Attention messieurs-dames, c'est là que tout se joue : des deux combattants, un seul des deux a le mental d'acier permettant de gagner pareille confrontation. Je m'explique

L'éléphant est généralement considéré comme un animal relativement peu agressif. Il a une structure sociale assez bien hiérarchisée, et les combats sont généralement limités aux jeunes mâles qui veulent montrer à la femelle qu'ils en ont dans le slip, et on ne recense aucun cas de mort d'un des deux belligérants. Les cas d'agression envers des humains sont généralement liées à des blessures occasionnées par des humains aux plus jeunes individus du troupeau, et sont plutôt le fait des femelles. Il semblerait (notez le conditionnel) que l'image, relativement répandue dans l'inconscient collectif, d'éléphants ravageant des villages entiers, soient en fait fondées sur deux cas isolés de braconnage massifs sur la totalité des mâles d'un troupeau, les femelles étant épargnées en raison de leurs défenses plus petites et donc moins intéressantes pour les trafiquants d'ivoire. Mauvaise idée de la part des braconniers : les éléphants ont vraiment des capacités de mémoire, apparemment assez pour reconnaitre les chasseurs et leurs véhicules, et les ruiner de manière assez démonstrative. Mais bon, quand on ne massacre pas sa famille, l'éléphant est plutôt pépère.

L'hippopotame, c'est une autre paire de manches, en effet, sous des dehors placides, cet animal est une vraie teigne. Il a aussi une structure sociale en troupeaux (une quinzaine d'individus, généralement), mais, vu qu'il se nourrit principalement de végétaux aquatiques (ressource rare), il a développé un comportement territorial TRES marqué. et oui, l'hippo, plutôt peinard au demeurant, devient une vraie furie dès qu'on rentre dans ses mètres cubes d'eau à lui personnellement. Quand je dis "on", ça peut vouloir dire "un autre hippo mâle", "un autre hippo femelle" (des exceptions seront faites durant la saison des amours), "un crocodile", ou même "un canoë rempli de touristes", comme en atteste cette vidéo.



Ces combats n'aboutissent que rarement à la mort d'un participant lorsqu'ils s'agit de deux hippos (bien que cela arrive occasionnellement), mais c'est très courant dans le cas où un crocodile fait son frimeur, et c'est quasiment la règle dans le cas ou un gêneur non adapté au milieu aquatique (hyène, phacochère, humain) pointe le bout de son nez. Le glandu de ci-dessus étant l'exception qui confirme cette règle.

Fait intéressant, lorsqu'on leur demande quel est l'animal africain le plus dangereux pour l'homme, la majorité des gens répondent "le lion". Et bien non, pas du tout. L'animal qui cause le plus de pertes humaines est l'anophèle, petit moustique responsable de la transmission de la malaria. Viennent ensuite (loin derrière, certes) l'hippopotame, le buffle et, seulement en 4ème position, l'éléphant. Ensuite, on retrouve le crocodile, et puis enfin le lion, la septième place étant occupée par le criquet migrateur (qui ne tue évidemment personne directement, mais ravage les récoltes). Pour revenir à l'hippopotame, il convient de signaler que les manifestations "terminales" de son agressivité sont l'exhibition de ses canines et la défécation ("dung shower", ou "douce de bouse"). Si vous allez un jour en Afrique, souvenez-vous que l'hippopotame ne baille pas par fatigue, mais vous signifie qu'il va vous arracher la tête si vous ne reculez pas. De même, ce n'est pas un gros pachyderme sans manière, il vous fait juste remarque que là où il chie, c'est chez lui, et qu'y rester est une très mauvaise idée.

En ce qui me concerne, preuve est faite que l'agressivité exacerbée de l'hippopotame lui confère un avantage non négligeable. 3-2 en sa faveur.



5. L'entraînement

Tout les grands sportifs vous le diront, l'entrainement est un passage nécessaire pour la performance de haut niveau. Voyons ce qu'on peut dire dans le cas qui nous occupe.

La vie d'un hippopotame n'est pas de tout repos. Certes, il y a des soins parentaux, et maman est bien gentille. Par contre, si on approche papa de trop près, il nous piétine la gueule sans aucun remords. De plus, on vit dans l'eau, et on est donc soumis à des pressions importantes en permanence, ce qui occasionne un fort développement des muscles, et qui confère un avantage une fois revenu sur la terre, à pression atmosphérique. On se nourrit quasi-exclusivement de bon végétaux sains, et on garde la forme en se bastonnant de temps en temps avec un crocodile. Enfin, on est toujours sur ses gardes, histoire de ne pas se faire ruiner par une bande de lionnes en goguette. N'ayons pas peur des mots, l'hippopotame est un athlète de haut niveau.

L'éléphant a certes un excellent potentiel, mais il passe ses journées à brouter comme un couillon, protégé des prédateurs par la structure en troupeau dense. De plus, les soins aux petits sont plus développés. Au final, on obtient un animal couvé, surprotégé, en d'autres mots une lopette qui, quand il en a marre de bouffer, se bourre la caisse avec ses potes les babouins en mangeant des fruits fermentés au solei, et devient vite un sale drogué, comme en atteste le document ci-dessous.




Je n'aurais pas besoin de beaucoup insister sur ce point : l'hippopotame est bien mieux préparé que l'éléphant à un (très) hypothétique combat, et hop, un point de plus !


Bilan

Comme l'arithmétique n'a pas de secrets pour les gens cultivés que vous êtes, vous constaterez aisément que le vainqueur est l'hippopotame, sur un score final de 4 à 2.


Réjouissez-vous, gens avisés qui avez voté pour l'hippopotame : la Science moderne vous donne raison ! Quant à ceux qui soutenaient l'éléphant, soyez beaux joueurs, et plutôt que de pinailler, de râler et de fustiger les arguments que votre serviteur a avancé ici, préparez donc le prochain sondage.

Zoologiquement vôtre,

Votre dévoué,

Professeur Pompon,
Titulaire de la chaire de biologie animale approximative et chargé des recherches sur les sujets à l'importance relative.

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